8.10.04

Malebranche : le « Soi » et ses « possibles »

Question : À la lecture des Entretiens sur la métaphysique et sur la religion, on apprend en substance que l'idée du « Soi » ne prend pour nous pleinement son sens que dans l'actualité d'une épreuve psychologique, c'est-à-dire dans le sentiment que nous avons de nous-même et des affections de notre « âme ». Ne pas connaître l'« archétype » de notre être propre, et donc ne pas nous connaître, au sens strict, comme des êtres « spirituels », ce serait être notamment incapables d'anticiper les possibilités de notre existence, non seulement ce que nous sommes, mais aussi ce que nous serons.
Comment cependant Malebranche rapporte-t-il ces « possibles » qu'on n'est pas encore à ce qu'on est actuellement et effectivement, et comment s'assurer qu'ils sont les possibles d'un « Soi » propre, et non pas de n'importe quel autre « Soi » désigné au hasard et indifféremment ?


Réponse : La question de l'appartenance des « possibles » que renferme un être spirituel déterminé à cet être saisi dans la réalité et l'actualité de son existence et de sa conscience effectives n'est pas à strictement parler un problème, même si elle offre l'apparence d'une difficulté logique, voire de métaphysique.
Il n'est en effet concevable d'évoquer les « possibles » que renferme une existence qu'en une espèce de retour rétrospectif sur cette existence, c'est-à-dire en supposant que les faits actuellement accomplis par un homme ne font que déployer la vérité de son être et de sa nature, de manière en quelque sorte programmatique et linéaire. Or « les modalités dont ma nature est susceptible » ne constituent pas, dans la leçon de Malebranche, un ensemble de « possibles » que mon avenir ne fera en l'espèce que confirmer, et dont je pourrais par avance, ne serait-ce qu'abstraitement, en idée ou à titre de postulat, m'assurer qu'ils sont bien raisonnablement mes « possibles ». Bien plutôt, il faut entendre par cet énoncé que nous ne pouvons prendre connaissance de nous-même que dans l'actualité d'une expérience de sentiment, et donc que se connaître n'est que connaître les sentiments qu'on éprouve, ou dont on conserve encore un souvenir plus ou moins vif. Seulement, connaître pour ainsi dire ce qu'on est, dans l'horizon strict du sentiment de soi, c'est à chaque fois découvrir de quoi l'on est capable, de quels sentiments on s'anime, ce que sont plaisirs et douleurs qu'on éprouve.
Il n'y a ainsi rien de plus dans la connaissance de soi que la conscience actuelle de soi, ce qui est encore une manière de dire et qu'on ne se connaît qu'aussi loin que s'étend la conscience actuelle qu'on a des choses, et qu'on ne se connaît donc pas au sens strict du terme. Dans ce contexte, la question de savoir comment un « possible » se rapporte à mon âme est une question fondamentalement dénuée de sens.

5 Comments:

Anonymous Anonyme said...

La question des "possibles" du Soi est ici étudiée: mais qu'en est-il de ce qui sera souligné dans la Philosophie moderne et contemporaine, en particulier nourrie du freudisme, à savoir le passé du Soi?

12:17 AM  
Blogger P. M. said...

Pour en rester à Malebranche — car le propos n'est pas de proposer des comparaisons doxographiques —, la question du passé du « Soi » n'est qu'une modalité de la question de la conscience et de son actualité : notre passé est ce que nous en connaissons, c'est-à-dire ce que nous continuons d'en éprouver, au fur et à mesure que nos souvenirs sont ravivés, pour une raison ou pour une autre.

8:59 AM  
Anonymous Anonyme said...

Comment la relation entre l'actualisation du Soi et la téléologie que Malebranche, en tant que prêtre, se devait de déployer, se joue-t-elle?

5:34 PM  
Anonymous Anonyme said...

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6:39 PM  
Anonymous Anonyme said...

Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

10:34 PM  

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