tag:blogger.com,1999:blog-66984392024-03-14T04:40:00.702+01:00Philosophy On The GoTextes, résumés, commentaires, essais, réflexions — les recherches et les travaux des classes d'hypo-khâgne A/L de Philosophie au lycée Henri IV (Paris, FR).P. M.http://www.blogger.com/profile/13704027905193112694noreply@blogger.comBlogger10125tag:blogger.com,1999:blog-6698439.post-1142072123201316312006-03-11T11:12:00.000+01:002006-03-11T13:57:54.376+01:00Questions sur La Critique de la Faculté de juger<div style="text-align: justify;"><span style="font-weight:bold;">Question :</span> <span style="font-style:italic;">À la fin du paragraphe 17 de l'« Analytique du beau », Kant écrit : «La beauté est la forme de la finalité d'un objet, en tant qu'elle est perçue en lui sans représentation d'une fin.»<br />Est-ce que cela veut dire que l'œuvre d'art est le produit d'une volonté qui ne s'assigne pas de fin en la créant ? Si c'est le cas, je ne comprends pas ce qu'est cette finalité : j'ai l'impression que c'est le vague fait d'« être là ». Mais quand vous avez pris l'exemple du stylo, on aurait cru que c'était le reliquat d'une fin qu'aurait eue le stylo avant d'être exposé et qu'il aurait perdue. Est-ce qu'on peut dire alors que cet « être là » est une certaine forme de vérité dans l'art?</span><br /><span style="font-weight:bold;"><br />Réponse :</span> L'idée que la beauté de l'œuvre d'art, c'est-à-dire que le jugement esthétique, exprime « la forme d'une finalité sans fin », témoigne de l'irréductibilité de l'œuvre aux opérations techniques qui la sous-tendent. En se reportant au § 10 de la <span style="font-style:italic;">CFJ</span>, on peut en effet lire : « La finalité peut être sans fin dans la mesure où nous ne plaçons pas les causes de cette forme [celle de l'œuvre d'art notamment] dans une volonté, mais où, cependant, nous ne pouvons nous rendre intelligible l'explication de sa possibilité qu'en la dérivant d'une volonté. » <br />On comprendra aisément deux choses. <br />- La <span style="font-style:italic;">première</span>, c'est que toute œuvre résulte d'opérations techniques (écriture, peinture, sculpture, etc.) sans lesquelles elle ne pourrait évidemment pas exister. En cela, elle participe d'une volonté — celle de l'artiste — qui pose évidemment des fins et s'efforce d'y satisfaire au mieux de ses possibilités. Pour dire simplement, il n'est pas possible d'évoluer dans le champ de l'art sans être avant tout un praticien et un technicien. <br />- Mais précisément, et <span style="font-style:italic;">deuxièmement</span>, l'œuvre d'art ne s'entend pas comme une telle œuvre technique et ne peut être évaluée esthétiquement au seul motif de sa technicité. Cela signifie, chez Kant, qu'elle n'est pas réductible à sa « perfection » (subjective ou objective), et que sa forme n'importe donc pas en tant que telle, mais seulement dans la mesure où elle est l'occasion d'une <span style="font-style:italic;">réflexion</span> sur son « être là » — puisque vous employez l'expression. Autrement dit, de « remarquer » une forme et une finalité mais de ne pas s'attacher à les déterminer, à les identifier, à leur assigner un nom ou un sens ; de se contenter de <span style="font-style:italic;">réfléchir</span> le simple fait de « remarquer » la chose et de s'en contenter — c'est ce qui fait la particularité du jugement esthétique, qui surgit sans doute à l'occasion d'une représentation dont la forme est aperçue, mais qui ne doit pas son caractère esthétique à cette forme ni au fait que nous l'identifions. Disons encore autrement : le plaisir esthétique que nous éprouvons à une représentation ne résulte pas de ce que nous savons dire ce qui est représenté dans la chose (ce qui implique incidemment qu'il y a moyen avec Kant de penser le plaisir esthétique associé à l'art abstrait ou contemporain).<br />Pour reprendre ainsi votre exemple du stylo, seule nous importe au plan technique sa forme de stylo, en raison de laquelle il apparaît soit adapté à nos fins (écrire), soit inadapté (pour planter un clou par exemple). Mais la « belle représentation » du stylo, ou même le stylo au point de vue de sa beauté (le « <span style="font-style:italic;">design</span> »), ne nous intéressent plus comme forme actuelle et identifiée, mais seulement comme cette forme qui suscite en nous une réflexion où nous puisons un plaisir esthétique lié à notre propre « état d'esprit ». Ce n'est pas que le stylo a soudain perdu sa forme de stylo, c'est tout simplement qu'elle ne nous importe à cet égard plus, et que pour dire prosaïquement, notre esprit est ailleurs.<br /><br /><span style="font-weight:bold;"><br />Question :</span> <span style="font-style:italic;">Par ailleurs j'ai peur de faire une confusion entre cette absence de fin et le caractère désintéressé du jugement esthétique. Est-ce que, quand on dit que le jugement esthétique est désintéressé, on entend que c'est le fait même de dire que quelque chose est beau qui n'apporte rien à celui qui le dit, ou est-ce que c'est parce que l'objet d'art est sans fin pour le spectateur que le jugement de celui-ci est nécessairement désintéressé ?</span><br /><br /><span style="font-weight:bold;">Réponse :</span> « N'apporte rien à celui qui le dit » est une expression un peu équivoque et au fond mal appropriée. Effectivement, le jugement esthétique ne satisfait à aucun intérêt particulier, et nous n'en tirons à la lettre pas de « bénéfices ». Mais pour autant il nous apporte quelque chose, qui est précisément le plaisir esthétique que nous éprouvons. <br />Mais là n'est pas vraiment la question, qui porte plutôt sur le rapport entre le fait du « désintéressement » (qui n'est donc pas désintérêt !) et l'idée d'une « finalité sans fin ».<br />Il faut ici reprendre rapidement une note de Kant au § 1 de la <span style="font-style:italic;">CFJ</span>, où il justifie son recours aux « catégories » en disant en substance que le jugement de goût étant un jugement, il est comme tout jugement assujetti aux lois générales de l'entendement, les « catégories ». Cela signifie tout simplement qu'il y a autant d'approches du jugement esthétique que de catégories générales (quatre), et que chacune permet de rendre explicite un aspect particulier du jugement, qui renferme uniment toutes les dimensions logiques le rendant possible.<br />Dans ce contexte, vous pouvez dès lors « confondre » le désintéressement et l'absence de finalité. Mais confondre ne signifie pas qu'il y a confusion. Sous un certain point de vue en effet, celui de sa « qualité » (de sa portée pour le sujet), le jugement esthétique exprime le désintéressement du sujet de la représentation et du jugement ; et sous un autre point de vue, celui de la « relation » (de la représentation ou de la chose à ce qu'elle dénote), il témoigne d'une indifférence de la forme objective pourtant nécessaire à son existence à la valeur esthétique qu'elle renferme.<br />Ainsi le « désintéressement » et l'absence de finalité ne sont pas, l'un par rapport à l'autre, dans un rapport de causalité. Ce n'est pas <span style="font-style:italic;">parce que</span> je suis désintéressé que je ne perçois pas de finalité, et ce n'est pas <span style="font-style:italic;">parce que</span> je ne perçois pas de finalité que je suis désintéressé. Mais absence de finalité et désintéressement son entre-expressifs, ils témoignent l'un et l'autre et <span style="font-style:italic;">ensemble</span> de la particularité du jugement esthétique, c'est-à-dire de sa dimension essentiellement « <span style="font-style:italic;">réfléchissante</span> ».</div>P. M.http://www.blogger.com/profile/13704027905193112694noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6698439.post-1111071749053501962005-03-17T15:07:00.000+01:002006-03-13T22:49:38.153+01:00Kant : « Moi » et « dignité »<div style="text-align: justify;"><span style="font-weight:bold;">Question :</span><span style="font-style:italic;"> Comment Kant montre-t-il que l'idée de noumène, appliquée au moi, n'est pas uniquement un postulat théorique ?</span><br /><br /><span style="font-weight:bold;">Réponse :</span> Ce que vous appelez « un postulat théorique » désigne manifestement une manière d'abstraction dont nous n'aurions pas une connaissance empirique précise, et au sujet de laquelle nous aurions à demeurer sceptiques.<br /><br />Or il faut bien comprendre :<br /><br />- que la représentation du moi comme noumène est effectivement une qualification «théorique», puisque nous ne pouvons avoir de sa nouménalité qu'une « pensée » et non au sens strict que lui donne Kant une « connaissance », qui implique un rapport à la sensibilité et à l'expérience. Il n'y a donc pas lieu d'en exiger une représentation sensible, qu'elle soit affective ou observationnelle, car cela serait purement et simplement contradictoire.<br /><br />- que la qualification théorique de la nouménalité du moi n'implique pas une sorte de déni de sa réalité : la « réalité » du moi nouménal ressortit non à une certitude empirique mais à une certitude morale, et celle-ci renvoie elle-même à une certaine exigence pratique. Admettre dans le sujet un « caractère intelligible », et qu'il est donc capable d'initier une chaîne causale quelconque dans la nature, c'est tout simplement exiger que le sujet soit conçu au point de vue moral, et considérer que cette manière de se le représenter est pertinente et vraie.<br /><br />Maintenant l'exigence pratique de postuler la nouménalité du moi tient essentiellement au <span style="font-style:italic;">devoir</span>, c'est-à-dire à la conscience, dont nous ne pouvons jamais nous départir, de la légalité de la « loi morale », dont l'efficace sur la volonté consiste fondamentalement en ce que nous savons toujours de quoi il retourne dans l'action, et de quelle manière le vouloir devrait s'y déterminer. Le devoir « élève l'homme au-dessus de lui-même », écrit Kant (<span style="font-style:italic;">C.R.Prat.</span>, © PUF, p. 91) et le rapporte « à un ordre de choses que l'entendement seul peut concevoir et qui en même temps commande à tout le monde sensible » (<span style="font-style:italic;">ibid.</span>).<br /><br />Prosaïquement, cela signifie que la pensée que nous avons d'un ordre des choses fondé sur des principes et une volonté rationnels est ce par quoi se signale pour tout sujet une autre manière d'être et d'exister que naturelle et empirique, en d'autres termes sa « liberté et indépendance à l'égard du mécanisme de la nature » (<span style="font-style:italic;">ibid.</span>).<br /><br />En ce sens, dans sa nouménalité, le moi se dénomme, dans le vocabulaire de Kant, la «pesonnalité», qui est ce par quoi nous excédons très <span style="font-style:italic;">réellement</span> — quoique nous n'en ayons pas la moindre trace empirique — la phénoménalité de notre condition.<br /><br />Ainsi donc, parler du moi en termes nouménaux, c'est tout simplement affirmer la nature ou en tout cas la destination morale du sujet.<br /><br /><br /><span style="font-weight:bold;">Question :</span><span style="font-style:italic;"> Qu'est-ce que Kant entend par la « dignité » du sujet ?</span><br /><br /><span style="font-weight:bold;">Réponse :</span> La dignité du sujet est chez Kant étroitement liée à sa personnalité, si l'on entend par là <span style="font-weight:bold;">non pas</span> une propriété psychologique, mais précisément ce par quoi le sujet est indépendant à l'égard du mécanisme de la nature. Elle exprime le fait de l'« être raisonnable », et qu'il est digne de respect parce que sa raison est capable d'être pratique par elle-même, c'est-à-dire de le déterminer efficacement dans ses intentions, sinon ses actions. Ainsi la dignité marque l'élévation de la personne, et qu'elle est une « fin en soi » et possède une « valeur absolue ».<br /><br />Dans ce contexte, la dignité de l'<span style="font-style:italic;">homme</span> est un cas particulier de la dignité de la personne ou de l'être raisonnable, et sa particularité consiste en ceci que son destin le rattache <span style="font-style:italic;">et</span> au monde sensible par sa nature corporelle, <span style="font-style:italic;">et</span> au monde intelligible par sa raison pratique.<br /></div>P. M.http://www.blogger.com/profile/13704027905193112694noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6698439.post-1106599430941930012005-01-24T21:41:00.000+01:002005-03-06T16:04:55.086+01:00Sur Kant : fonctions de l'imagination<div style="text-align: justify;"><span style="font-weight:bold;">Question</span> : <span style="font-style:italic;">En quoi l'action de « schématisation » de l'imagination diffère-t-elle de son action de synthèse ? Kant paraît concevoir l'imagination comme une médiation qui, par sa synthèse, permet à l'entendement de porter des jugements sur les phénomènes. Quel est alors le rôle du « schème » de l'imagination ?</span><br /><br /><span style="font-weight:bold;">Réponse :</span> L'imagination est toujours synthèse, et le « schématisme » n'est jamais qu'un cas particulier des synthèses que l'imagination est selon Kant capable d'opérer.<br /><br />Parmi elles, on retiendra en premier lieu les « synthèses empiriques » de l'imagination, celles où se rassemblent arbitrairement ou non des intuitions inévitablement disparates : un « lion ailé et à double hélice contrarotative » ou bien un « terbinque clippé à l'herbe de benzonium » ne sont jamais que des associations plus ou moins aléatoires de diverses représentations tantôt claires et intelligibles, tantôt aberrantes et sans objet. On parle alors de « fantaisie » ou encore d'imagination « <span style="font-weight:bold;"><span style="font-style:italic;">reproductive</span></span> », parce que de telles représentations laissent toujours apparaître quelque chose de « déjà-vu » — même si personne n'a jamais chassé le « terbinque » en le « clippant à l'herbe de benzonium », évidemment !<br /><br />Des synthèses empiriques de l'imagination, comme celles que nous venons d'évoquer, il faut par ailleurs distinguer ses synthèses « pures » ou « transcendantales », qui concernent plus intimement la puissance proprement dite de connaître. Si en effet l'imagination est ordinairement « reproductive », c'est à elle qu'il appartient également selon Kant de <span style="font-style:italic;">produire</span>, en une série de tâches tout à fait essentielles, les conditions représentationnelles de la perception et de la connaissance. Il est dès lors permis de concevoir l'imagination comme la clé de voûte de la théorie critique de la connaissance, parce que c'est elle qui dans son économie générale satisfait aux conditions originaires de réalisation des fonctions propres de la sensibilité et de l'entendement.<br /><br />En tant qu'elle est en effet « <span style="font-style:italic;"><span style="font-weight:bold;">productive</span></span> », l'imagination recouvre principalement deux fonctions cognitives.<br /><ul><br /><li>D'une part, elle produit la « synthèse de l'appréhension », processus qui rend possibles <span style="font-style:italic;">a priori</span> l'intuition et la perception, dont l'unité, précisément, suppose que leur divers ait été déjà rassemblé, déjà unifié. Si l'on peut de fait parler du « divers de l'intuition » (ou de la perception), c'est que l'intuition rassemble sous ce divers une disparate de représentations hétérogènes et la maintient, pour ainsi dire, dans un tout qui forme précisément l'intuition que nous avons d'un phénomène quelconque. En cela, elle ne fait que réaliser, accomplir, ou parachever une fonction synthétique qui relève, précisément, de l'activité pure synthétique de l'imagination.</li><br /><li>Celle-ci produit d'autre part des « schèmes », qui assignent leur « signification » aux catégories de l'entendement, c'est-à-dire les rapportent à des contenus phénoménaux réels et effectifs. Le « schème » est ainsi une manière de lien entre les intuitions de la sensiblité, qui sont empiriques, et les concepts de l'entendement, qui sont transcendantaux. Le problème que cherche à cet égard à résoudre Kant est celui du rapport du sensible et de l'intelligible, dont la conjonction n'a rien d'évident, puisqu'ils sont par nature hétérogènes l'un à l'autre, et c'est là le problème du <span style="font-style:italic;">jugement</span> ou de la manière dont les catégories régulent les représentations de la sensibilité en s'y <span style="font-style:italic;">appliquant</span>. <br />Dans cette optique, l'imagination transcendantale est opératoire de la synthèse des deux champs du sensible et de l'intelligible, en produisant d'elle-même des représentations qui, relevant des deux registres à la fois, rendent possible la relation cognitive de l'un et de l'autre, et par conséquent la connaissance elle-même, et l'ensemble de tous les jugements que nous sommes capables de porter sur les choses, seraient-ils du reste parfaitement absurdes.<br />Car le propre du « schème transcendantal » est de remplir une fonction médiatrice à la fois <span style="font-style:italic;">intellectuelle</span> et <span style="font-style:italic;">sensible</span> , et il consiste en cela en un <span style="font-style:italic;">procédé</span> de l'imagination (et non dans une image) grâce auquel quelque chose est <span style="font-style:italic;">opéré</span> dans le champ des représentations.<br /><br /><ul><span style="font-style:italic;">« Une application de la catégorie aux phénomènes sera possible</span>, écrit Kant, <span style="font-style:italic;">au moyen de la détermination transcendantale du temps, qui comme schème des concepts de l'entendement médiatise la subsomption des phénomènes sous les catégories. » (</span>Critique le la raison pure<span style="font-style:italic;">, © Pléiade, p. 885)</span></ul><br />C'est qu'en effet, vient-il d'expliquer en substance, une catégorie est une règle <span style="font-style:italic;">a priori</span> de synthèse, et comporte ainsi, quoique dans un registre purement conceptuel, une dimension temporelle (une règle s'applique, elle est un processus) ; tandis que parallèlement tout phénomène est nécessairement donné dans le temps, qui relève donc de manière identique de ces deux registres hétérogènes que sont le concept et l'intuition.<br />Les « schèmes » produits par l'imagination seront donc systématiquement des processus temporels : le nombre (= processus de numération) sera la schème de la grandeur, un temps plein ou vide celui de la réalité ou de sa négation, la succession des réalités celui de la causalité, etc.</li></ul><br />On lira évidemment avec profit le difficile chapitre de la <span style="font-style:italic;">Critique de la raison pure</span> intitulé « Du schématisme pur des concepts de l'entendement » (© Pléiade, p. 884 sq.), en ayant ce principe de lecture à l'esprit, que le souci essentiel de Kant y est de rendre compte de l'unité fondamentale du procès de la connaissance. Placer en effet l'imagination au centre de la théorie critique, c'est entreprendre de prouver que le sujet est tout entier en question dans la production de ses savoirs, et que c'est une opération de la conscience « en personne » (et non pas sur le seul plan de l'intellect, par exemple) qui explique le phénomène de l'activité cognitive.</div>P. M.http://www.blogger.com/profile/13704027905193112694noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6698439.post-1105700269211414982005-01-14T11:48:00.000+01:002005-01-14T19:06:53.140+01:00Kant et « notre constitution subjective »<span style="font-weight:bold;">Question :</span> <span style="font-style:italic;">Les formes</span> a priori <span style="font-style:italic;">de la sensibilité que sont l'espace et le temps relèvent-elles, chez Kant, du domaine des phénomènes, ou bien sont-elles des noumènes ?</span>
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<br /><span style="font-weight:bold;">Réponse :</span> « Relever du domaine des phénomènes » est une expression équivoque, qui pourrait signifier « avoir un rapport à », ou bien « résulter de », ou bien « être de même nature que », etc., et c'est par conséquent une expression dont il est ici difficile d'apprécier l'application à la question de savoir <span style="font-style:italic;">ce que sont</span> pour Kant l'espace et le temps.
<br />Une chose est toutefois certaine : l'espace et le temps ne sont dans la théorie critique de la connaissance NI des « phénomènes » NI des « noumènes ».
<br />En tant que « formes <span style="font-style:italic;">a priori</span> de la sensibilité », l'espace et le temps constituent pour nous une manière universelle et nécessaire de percevoir les choses, ou encore la condition formelle de possibilité de la perception et de la conscience que nous en avons. Le réel est le donné, mais précisément le donné se donne à et dans notre sensibilité, dont les formes sont l'espace et le temps.
<br />Prosaïquement, et par métaphore, aidez-vous de l'image d'un filtre qui servirait à observer tel ou tel objet, et dont l'absence interdirait de supposer même l'existence de cette chose qu'il servirait à observer.
<br />
<br /><span style="font-weight:bold;">
<br />Question :</span> <span style="font-style:italic;">Kant écrit dans la </span>Critique de la raison pure<span style="font-style:italic;"> :</span> <blockquote>« La sensibilité et son champ, le champ des phénomènes, sont eux-mêmes limités par l'entendement, de façon à ne pas se rapporter aux choses en soi, mais seulement à la manière dont les choses nous apparaissent, en vertu de notre constitution subjective. »</blockquote><span style="font-style:italic;">L'expression « notre constitution subjective » me semble un peu paradoxale : ne peut-il pas y avoir une différence entre l'apparaissant et l'apparition, due à une constitution des catégories de l'entendement qui serait différente en chaque sujet empirique ?</span>
<br /><span style="font-weight:bold;">
<br />Réponse :</span> Cette question trahit une certaine confusion dans l'interprétation du vocabulaire kantien, et appelle un certain nombre de remarques :<ul>
<br /><li>Ni la « constitution des catégories de l'entendement », ni du reste les « formes <span style="font-style:italic;">a priori</span> de la sensibilité » ne peuvent être « différentes en chaque sujet empirique ». Aussi bien la sensibilité que l'entendement sont tenus, chez Kant (comme du reste dans toute espèce de théorie de la connaissance) comme des facultés dont la structure et le mode de fonctionnement sont identiques en <span style="font-style:italic;">tout</span> sujet, quel qu'il soit et quelles que soient par ailleurs ses qualités intellectuelles propres.</li>
<br /><li>« L'apparaissant et l'apparition » ne participent pas des catégories de l'entendement, ou du moins pas en tant qu'ils sont, à la lettre, apparaissant ou apparition. Ce qui apparaît, c'est le phénomène, et le phénomène se constituent sous couvert de l'activité qui porte chez Kant le nom de « sensibilité ». Il reste cependant vrai que le phénomène, en tant qu'il est déterminé et par là connu, adéquatement ou non, suppose des synthèses dont la régulation opératoire ressortit à l'activité de l'entendement.</li>
<br /><li>Dans le texte cité ci-dessus, l'expression « notre constitution subjective » renvoie clairement à la <span style="font-style:italic;">sensibilité</span>, dont les propriétés cognitives ont été clarifiées dans « L'Esthétique transcendale » de la <span style="font-style:italic;">Critique de la raison pure</span>. Elle désigne donc un mode de la faculté de connaître, qui concerne la façon dont les objets nous sont donnés à titre de « phénomènes ».</li>
<br /><li>Dans la question posée, la déclinaison de « l'apparaissant » et de « l'apparition » a quelque chose à la fois de littérairement intéressant, et de terminologiquement hasardeux. Il est clair en effet que dans l'esprit de Kant, un phénomène n'est pas, au sens ordinaire du terme, une apparition, comme on peut prétendre voir apparaître des esprits ou des mirages. En revanche, on peut aller jusqu'à dire que le phénomène est « un apparaissant », précisément parce qu'il est donné dans l'actualité d'une intuition sensible, et dans le temps et la conscience qu'occupe une telle intuition. Il faut cependant garder à l'esprit cette idée que l'apparaître du phénomène n'est rien de singulier ni de propre à l'idiosyncrasie d'un être pris isolément, mais le mode de constitution de toute représentation sensible pour tout être susceptible de représentations sensibles — et pour dire simplement : pour tout homme.</li></ul>P. M.http://www.blogger.com/profile/13704027905193112694noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6698439.post-1097841359254126172004-10-15T13:45:00.000+02:002004-11-04T11:08:25.116+01:00Malebranche et la « téléologie »Pour des raisons de compatibilité des balises HTML, la réponse à la question posée dans un <a href="http://philongo.blogspot.com/2004/10/malebranche.html">commentaire de la publication précédente</a> est donnée ci-dessous. Du reste, deux des trois éditions de la question posée ont été effacées en raison de leur redondance.
<br />
<br />Pour ce qui est du rapport entre la réalisation de soi — pour autant que nous sommes des êtres spirituels — et les « desseins de Dieu », le principe de Malebranche, très récurrent dans sa pensée, est que la « volonté toute pure [de Dieu] est l'unique règle de ses actions » et qu'elle « nous est inconnue » (<span style="font-style: italic;">Entretiens sur la métaphysique et sur la religion</span>, IX, Vrin éd., p. 28).
<br />
<br />Il n'y aurait donc pas lieu de tenter de comprendre comment l'existence d'un « être spirituel » donné, et donc singulier, s'accorde à l'ordre de la Création. Cependant, il y a lieu d'expliquer comment dans ce contexte d'ignorance radicale, nous pouvons supposer que s'accorde l'existence spirituelle en général à l'ensemble de la Création. Et c'est ce dont il est question, par exemple, dans les <span style="font-style: italic;">Entretiens sur la mort</span>, dont on pourra télécharger un extrait significatif en cliquant sur le <a href="http://mapage.noos.fr/%7Epmat/Extras/Malebranche_DesseinDieu.pdf">lien suivant</a>.P. M.http://www.blogger.com/profile/13704027905193112694noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6698439.post-1097268572241997202004-10-08T21:43:00.000+02:002004-10-08T23:11:47.630+02:00Malebranche : le « Soi » et ses « possibles »<span style="font-weight:bold;">Question :</span> <span style="font-style:italic;">À la lecture des</span> Entretiens sur la métaphysique et sur la religion<span style="font-style:italic;">, on apprend en substance que l'idée du « Soi » ne prend pour nous pleinement son sens que dans l'actualité d'une épreuve psychologique, c'est-à-dire dans le sentiment que nous avons de nous-même et des affections de notre « âme ». Ne pas connaître l'« archétype » de notre être propre, et donc ne pas nous connaître, au sens strict, comme des êtres « spirituels », ce serait être notamment incapables d'anticiper les <span style="font-style:normal;">possibilités</span> de notre existence, non seulement ce que nous sommes, mais aussi ce que nous serons.
<br />Comment cependant Malebranche rapporte-t-il ces « possibles » qu'on n'est pas encore à ce qu'on est actuellement et effectivement, et comment s'assurer qu'ils sont les possibles d'un « Soi » propre, et non pas de n'importe quel autre « Soi » désigné au hasard et indifféremment ?</span>
<br />
<br /><span style="font-weight:bold;">Réponse :</span> La question de l'appartenance des « possibles » que renferme un être spirituel déterminé à cet être saisi dans la réalité et l'actualité de son existence et de sa conscience effectives n'est pas à strictement parler un problème, même si elle offre l'apparence d'une difficulté logique, voire de métaphysique.
<br />Il n'est en effet concevable d'évoquer les « possibles » que renferme une existence qu'en une espèce de retour rétrospectif sur cette existence, c'est-à-dire en supposant que les faits actuellement accomplis par un homme ne font que déployer la vérité de son être et de sa nature, de manière en quelque sorte programmatique et linéaire. Or <span style="font-style:italic;">« les modalités dont ma nature est susceptible »</span> ne constituent pas, dans la leçon de Malebranche, un ensemble de « possibles » que mon avenir ne fera en l'espèce que confirmer, et dont je pourrais par avance, ne serait-ce qu'abstraitement, en idée ou à titre de postulat, m'assurer qu'ils sont bien raisonnablement <span style="font-style:italic;">mes</span> « possibles ». Bien plutôt, il faut entendre par cet énoncé que nous ne pouvons prendre connaissance de nous-même que dans l'actualité d'une expérience de sentiment, et donc que se connaître n'est que connaître les sentiments qu'on éprouve, ou dont on conserve encore un souvenir plus ou moins vif. Seulement, connaître pour ainsi dire ce qu'on est, dans l'horizon strict du sentiment de soi, c'est <span style="font-style:italic;">à chaque fois</span> découvrir de quoi l'on est capable, de quels sentiments on s'anime, ce que sont plaisirs et douleurs qu'on éprouve.
<br />Il n'y a ainsi rien de plus dans la connaissance de soi que la conscience actuelle de soi, ce qui est encore une manière de dire <span style="font-style:italic;">et</span> qu'on ne se connaît qu'aussi loin que s'étend la conscience actuelle qu'on a des choses, <span style="font-style:italic;">et</span> qu'on ne se connaît donc pas au sens strict du terme. Dans ce contexte, la question de savoir comment un « possible » se rapporte à <span style="font-style:italic;">mon</span> âme est une question fondamentalement dénuée de sens.P. M.http://www.blogger.com/profile/13704027905193112694noreply@blogger.com5tag:blogger.com,1999:blog-6698439.post-1097226833850721312004-10-08T10:56:00.000+02:002004-10-08T23:00:40.206+02:00Note sur Malebranche et les « archétypes »<span style="font-weight:bold;">Question :</span> <span style="font-style:italic;">Si l'on appelle « ectypes » les choses en tant qu'elles sont connaissables avec l'ensemble de leurs propriétés par le moyen de leur « archétype », faut-il croire que l'« archétype » n'est pas quant à lui connaissable comme tel ? Et faut-il dès lors supposer que chez Malebranche la théorie des « archétypes » est l'analogue d'une théorie d'inspiration vaguement platonicienne, selon laquelle les « idées » demeureraient inexorablement hors d'atteinte de l'intelligence ?</span>
<br /><span style="font-weight:bold;">
<br />Réponse :</span> Il importe au premier chef de se défaire du préjugé selon lequel la réalité, dans son ensemble, surgirait à la conjonction d'une espèce de monde « idéal » et d'un monde évidemment « matériel ». Ce dualisme naïf n'est pas au centre de la pensée de Malebranche, et il n'y a donc pas lieu de procéder à une distinction confuse de ce qu'il appelle « archétype » et de ce que nous pouvons par commodité appeler « ectype ».
<br />Maintenant, en lisant <span style="font-style:italic;">La Recherche de la vérité</span>, on apprend « qu'afin que l'esprit aperçoive quelque objet (…) il n'est pas nécessaire qu'il y ait au-dehors quelque chose de semblable à cette idée [qu'il en a] » (Livre III, II° partie, chapitre I — Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, p. 320 sq.). Les choses extérieures ne sont donc selon Malebranche que des représentations, et c'est par les idées ou les sensations que nous en avons <span style="font-style:italic;">et</span> qu'elles nous apparaissent, <span style="font-style:italic;">et</span> que nous avons la capacité d'y porter notre attention, les unes comme les autres n'étant que des « pensées » ou encore des « modifications de l'âme ».
<br />La question de la connaissance ne se pose donc pas sur le fond d'une distinction entre un « monde extérieur » des choses et un « monde intérieur » des idées, mais elles se pose à la lumière d'une distinction entre plusieurs registres de la représentation, parmi lesquels on distingue notamment les « archétypes » d'une part, et nos « sentiments » d'autre part. Ceux-ci ne désignent évidemment rien de proprement affectif (les sentiments moraux), mais des représentations que nous avons en tant que nous les éprouvons, des « manières de penser » qui restent par conséquent confuses.
<br />Une chose est dès lors sûre, c'est que les seules représentations dont nous puissions nous assurer que nous les connaissons, ou du moins que nous pouvons les connaître, sont les « archétypes », seuls susceptibles d'une « pure intellection » de l'esprit.
<br />Il faut évidemment accorder, dans ces conditions, que nous ne disposons pas de l'« archétype » de toutes choses, mais que :
<br /><blockquote>- la connaissance que nous avons des choses extérieures en est une connaissance par leurs « archétypes », pour autant que nous considérons les <span style="font-style:italic;">idées</span> des corps matériels (et donc leur nature et leur ordre purement géométriques) ;
<br />- la connaissance des « esprits » et de leurs propriétés demeure une connaissance de « sentiment », et requiert que nous nous éprouvions <span style="font-style:italic;">en conscience</span>, non que nous nous examinions comme des objets intelligibles.
<br /></blockquote>
<br />
<br /><span style="font-weight:bold;">Question :</span> <span style="font-style:italic;">Est-ce que ce n'est que « par lumière et par évidence » que nous connaissons les « archétypes » ou bien est-ce qu'il faut les déduire d'une manière ou d'une autre de l'extériorité ?</span>
<br /><span style="font-weight:bold;">
<br />Réponse :</span> Aucune procédure logique n'est nécessaire pour concevoir l'« archétype » d'une chose, et donc une telle idée ne résulte nullement d'une opération de déduction. Nous avons des idées, cela est un fait et n'est après tout que cela, et parmi ces idées il y a notamment celle de l'étendue, dont nous pouvons alors analyser la nature et déduire les propriétés en faisant purement et simplement varier à l'infini ses possibilités — comme un « géomètre » ou un « vrai physicien ».
<br />Connaître « par lumière et par évidence », c'est ainsi n'avoir pas à recourir à la sensation ou l'expérience pour examiner les propriétés des choses extérieures, mais à la seule puissance de l'entendement ou intelligence ; et c'est extraire des concepts relatifs à l'étendue toutes les propriétés que nous sommes susceptibles d'y apercevoir, ce qui requiert évidemment le génie ou du moins le talent de l'esprit géométrique. Il faut ainsi conclure qu'en effet c'est uniquement « par lumière et par évidence » que nous connaissons les « archétypes ».P. M.http://www.blogger.com/profile/13704027905193112694noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6698439.post-1096826184635938332004-10-03T19:39:00.000+02:002004-10-10T22:52:53.226+02:00Leibniz : les deux soiDans sa lecture de l'<span style="font-style:italic;">Essai philosophique concernant l'entendement humain</span>, Leibniz commente la théorie lockienne de l'identité personnelle en distinguant une « identité réelle » d'une « identité apparente ».
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<br />En voici une représentation schématique :
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<br /><img src="http://mapage.noos.fr/~pmat/Extras/Leibniz_AppaRealIdent.jpg" alt="Si aucune image n'apparaît ici, c'est qu'il y a un problème..."style="width: 458px; height: 472px;"/>P. M.http://www.blogger.com/profile/13704027905193112694noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-6698439.post-1096353165944601042004-09-28T08:32:00.000+02:002004-10-08T22:56:51.976+02:00De Locke et de « l'identité personnelle »Les questions suivantes, qui m'ont été adressées il y a quelques jours et auxquelles il a déjà été répondu par courrier électronique, peuvent constituer l'amorce d'un travail collaboratif sur ce « <span style="font-style:italic;">Blog</span> ». Bonne lecture.
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<br /><span style="font-weight:bold;">Question :</span> <span style="font-style:italic;">D'abord, nous avons dit que l'hétérogénité des expériences vécues n'empêche pas qu'on se conçoive soi-même comme le centre homogène de ses propres expérienes et c'est grâce à ses expériences que l'homme a un sentiment de soi-même, c'est à dire une identité personnelle.
<br />Ce que je ne comprends pas dans ce raisonnement, c'est pourquoi celui qui conçoit quelqu'un qui a fait une expérience quelconque serait nécessairement le même que celui qui l'a effectivement faite. L'expression « être identique à » suppose déjà en elle deux éléments identiques l'un à l'autre. Comment peut-on alors parler de homogénéité de « soi » ? Je comprends « cogito » de Descartes, mais l'empirisme de Locke va au-delà de la réflexivité, il me semble.</span>
<br />
<br /><span style="font-weight:bold;">Réponse :</span> Pour commencer par la fin, il n'y a pas grand sens à dire que « l'empirisme de L. va au-delà de la réflexivité ». Être « empiriste », c'est postuler que notre être et nos représentations reposent sur un rapport effectif de l'esprit à l'ensemble de la réalité qui l'affecte (le monde), et que nous ne sommes qu'au croisement ou à la rencontre de ce qui est (hors de nous, mais aussi dans notre réalité physico-physiologique) et de ce que nous pensons (càd de l'ensemble de nos facultés de représentation — les sens, et la pensée qui en accompagne la conscience).
<br />Quelque chose est cependant signalé, dans le raisonnement supposé de Locke, qui sans doute est faux mais ne manque pas d'intérêt : la question de l'identité du présent et du passé, de ce qu'un être conscient est et de ce qu'il a été (ou sera dans ses anticipations). Comment s'assurer en effet que celui qui pense est celui qui a pensé ou qui pensera, et que c'est toujours le même en dépit de la diversité de ses états et de ses représentations ?
<br />La réponse de Locke repose tout entière sur l'idée de la Personne, « un être pensant et intelligent », et dès lors le fait que chacun « se peut consulter soi-même comme le même ». Il y a là deux choses parfaitement solidaires. <span style="font-style:italic;">Premièrement</span>, l'idée que tous nos états de conscience (nos représentations) sont donnés sur un mode réflexif, autrement dit que quand nous pensons, nous pensons immanquablement que nous pensons — nous avons la représentation actuelle du fait que nous avons des représentations actuelles (c'est en quoi consiste fondamentalement l'intelligence). Et <span style="font-style:italic;">deuxièmement</span>, il y a là l'idée que la représentation que nous avons d'avoir des représentations, ou bien la pensée actuelle que nous avons de nos pensées actuelles, est toujours exactement le même état d'esprit ou le même état de conscience. Si donc nous sommes « le même en différents temps et en différents lieux », ce n'est pas au motif que nous pouvons comparer ce que nous fûmes à ce que nous sommes, et reconnaître ainsi (par un raisonnement) notre identité, mais c'est au motif que c'est toujours le même rapport que nous entretenions et entretenons (et entretiendrons) à nos représentations actuelles. « Se concevoir soi-même comme le centre homogène de ses représentations » — pour reprendre une expression qui n'est évidemment pas de locke —, c'est donc réaliser que c'est toujours la même conscience qui accompagne la diversité des pensées que nous avons. Et si nous le réalisons effectivement, c'est parce que nos pensées sont toujours présentes à nous sur le même mode.
<br /><span style="font-weight:bold;">
<br />
<br />Question :</span> <span style="font-style:italic;">Il y a un autre point que je n'ai pas tout à fait compris. Locke admet que ce que nous appelons le « soi » est ce que nous déduisons de l'expérience intime que nous faisons de la diversité de nos expériences et de nos pensées. Est-ce à dire que le « soi » n'est que la substantialisation de nos expériences ? Ce que je ne comprends pas ici, c'est le passage d'une réalité empirique à une instance métaphysique.</span>
<br /><span style="font-weight:bold;">
<br />Réponse :</span> Il n'y a rien de tel qu'une « substantialisation de nos expériences » chez Locke. Chacun, écrit L., « appelle » ou « nomme » soi-même le point de ralliement ou de raccordement de l'ensemble de ses représentations, en d'autres termes ce qu'il conçoit comme le centre de gravité des ses propres représentations. Cela ne veut pas dire que pour L. nous reconnaissons ou identifions « quelque chose » de déjà-là, de présent « en nous », comme devant être nommé « <span style="font-style:italic;">le</span> Soi ». Cela veut plutôt dire que nous associons un nom à une réalité empirique, càd à la conviction irréductible que nous avons que l'ensemble de nos représentations se rapporte à un même pôle conscientiel. L. développe donc une théorie substantiviste et non pas substantialiste du soi : « soi » est le nom qu'on donne à ce qu'on ne peut pas ne pas éprouver comme une synthèse actuelle et concrète de ses représentations dans sa pensée et son intelligence propres.P. M.http://www.blogger.com/profile/13704027905193112694noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6698439.post-1096304958339017892004-09-27T19:03:00.000+02:002004-10-11T14:44:48.853+02:00Mode d'emploi de ce « Blog »Les textes qui viendront constituer le corps de ce « Blog » résulteront des questions qui seront posées par les uns et les autres. Ils serviront éclairer ou approfondir tel point évoqué en classe, à dissiper telle obscurité ou tel malentendu. Il est donc évident que la « vie » de ce « Blog » dépend entièrement de l'assiduité à revoir et interroger les cours.
<br />
<br />Une fois les textes publiés sur le « Blog », ils pourront faire l'objet de commentaires, et donner lieu à d'autres approfondissements, voire à des digressions ou des associations avec des thèmes ou des questions qui n'auront pas été préalablement évoqués. Là encore, il dépendra de chacun et de tous à la fois que le « Blog » soit un espace dynamique de réflexion.
<br />
<br />Pour commenter un texte publié, il faudra procéder en deux étapes. <ul> <li><span style="font-style: italic;">Premièrement</span>, il faudra cliquer sur « <span style="font-style: italic;">Comments</span> » à droite du nom de l'auteur du texte — l'administrateur, c'est-à-dire moi-même.</li> <li><span style="font-style: italic;">Deuxièmement</span>, il faudra cliquer sur « <span style="font-style: italic;">Post a comment</span> » qui apparaîtra sur la page suivante. </li><li><span style="font-style: italic;">Troisièmement</span> enfin, il faudra choisir de publier un commentaire soit de manière anonyme (en cliquant sur « <span style="font-style: italic;">Or post anonymously</span> »), soit après s'être inscrit comme utilisateur du site « <span style="font-style: italic;">Blogger.com</span> ».</li></ul>
<br />Cette opération, qui paraît assez lourde, est dépendante du programme d'édition et de publication du « Blog », et non pas l'effet de l'idiosyncrasie de son administrateur.
<br />
<br />Bon travail à tous.P. M.http://www.blogger.com/profile/13704027905193112694noreply@blogger.com0